« Transformer du colza et tournesol en huile : une aventure familiale »
C'est durant l'été 2022, période de pénurie d'huile, lors d'un repas de famille où justement il en manquait que l'idée a germé : en produire à la ferme à partir du colza et tournesol qui y sont récoltés, et la vendre en circuits courts. « Un gage de qualité et traçabilité », estime Florian Ballot qui s'est lancé dans cette « aventure familiale » sur l'exploitation de son oncle à côté d'Orléans avec l'objectif de pouvoir « en vivre ».
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« Il y avait tout pour produire de l'huile sur la ferme ! », lance Florian Ballot. Du colza et du tournesol, des tracteurs, bennes et télescopiques pour la manutention des grains, et même une presse et un filtre, acquis 6-7 ans auparavant pour fabriquer de l'huile de colza destinée aux engins agricoles, un essai vite abandonné au vu des résultats fluctuants. D'où des investissements moindres : 5 000 € pour l'achat de cuves, de bouteilles, d'étiquettes et d'un camion de livraison. Pas besoin de solliciter les banques, ni de se demander si l'emprunt sera accepté. En résumé : « peu de risques. » « J'aurais peut-être pas sauté le pas sinon », reconnaît-il.
« Les circuits courts : que du positif »
« C'était un projet cher à mon oncle. Mais il manquait de temps pour le mettre en place. Alors il m'a laissé la chance de le faire, moi. » La pénurie de nombreux produits en 2022, d'huiles en particulier, dont peu sont d'origine française, a été le déclencheur. Lors d'un repas de famille pendant l'été, il n'y en avait plus pour confectionner une mayonnaise. « L'aventure, familiale, est partie de là » : transformer une partie du colza et du tournesol de Pascal en huile, et la vendre en circuits courts, « primordial » à leurs yeux. « Il était essentiel, pour nous, de nous rapprocher du consommateur », explique Florian. Ce mode de vente est aussi « gage de qualité et de traçabilité », juge-t-il, ayant choisi de commercialiser d'abord sur les marchés autour de l'exploitation. On ne peut pas plus local !
Autre avantage, logistique : « moins de contraintes de déplacements. « Que du positif pour les circuits courts ! », résume-t-il. « Pascal s'occupe des cultures mais on a monté ça à deux », reprend le jeune entrepreneur. Deux entités distinctes sont présentes : les productions végétales c'est-à-dire l'exploitation, gérées par l'oncle, et l'huilerie pour laquelle Florian bénéficie du statut d'auto-entreprise, peu contraignant et exigeant peu de démarches. « Nous travaillons ensemble pour obtenir ces produits-là », insiste-t-il. « Je vois son travail, comment sont ses cultures. Lui a un retour sur la qualité de ses productions, de la matière première. »
On ne peut pas plus local !
L'huile de tournesol vierge en première pression à froid a été la première mise en bouteilles, à partir de la récolte 2022, sans beaucoup de tests préalables, mais une étude de marché pour réfléchir notamment au type de produits et de clientèle. Les premiers résultats ne sont pas « un franc succès », se souvient Florian. Mais il persévère et apprend sur le tas, tous les jours, en faisant des erreurs et en rectifiant au fur et à mesure, « c'est ainsi qu'on progresse ». 800 l sont pressés en une semaine, 24 heures sur 24, et 200 bouteilles sont remplies. S'ensuivent des soirées avec les compagnes respectives à découper et coller les étiquettes.
Pour leur conception, ils ont planché tous les soirs pendant un mois avec les moyens du bord : leurs ordinateur et imprimante. « Nous voulions qu'elles soient facilement identifiables, un style épuré, une mise en avant de la provenance française, et les mentions "première pression à froid" et "issu d'une agriculture 100 % française et raisonnée" », indique l'entrepreneur. Quant au nom PF Huilerie, il s'agit d'un double clin d'œil : aux initiales des deux créateurs et la première "pression à froid", processus de fabrication qui leur tient à cœur. Premier marché, dès le 8 octobre ! L'accueil réservé à leurs huiles les surprend : « Les gens s'intéressent aux productions locales. »
Une offre diversifiée
Pour se faire connaître, Florian enchaîne plusieurs marchés d'automne, puis de Noël avec des coffrets spécifiques également en vente directe à la ferme, réservée dans un premier temps aux connaissances. Entretemps, mi-novembre, il avait commencé à presser du colza. « Puis, naturellement, nous nous sommes diversifiés pour les fêtes de fin d'année avec une gamme aromatisée à l'ail, à l'échalote, aux agrumes, thym/citron, romarin, obtenue par macération de produits frais (condiments, herbes aromatiques et zestes de fruits, dont le reste sert à faire des confitures) achetés auprès de producteurs locaux, sauf pour les agrumes bien sûr : ils viennent du sud mais de France. L'idée est aussi de respecter le plus possible les saisons.
En parallèle, Florian démarche avec succès deux revendeurs : une épicerie fine et une brasserie. Il poursuit les marchés, de producteurs entre autres, deux à trois par mois, participent à des événements plus importants comme des fêtes de village ou le Festival de la Loire – où il a rencontré un chef étoilé d'Orléans qui a mis ses huiles à sa carte – et déniche une dizaine de points de vente aux abords de l'agglomération orléanaise, spécialisés dans l'épicerie fine, en commercialisant toujours un peu sur l'exploitation. Sachant que, par sécurité, il a gardé son emploi salarié à côté.
Démarchage chronophage
« Je ne pensais pas que le démarchage serait si chronophage. Il faut prendre de nombreux contacts, les recontacter plusieurs fois, pour que seulement quelques-uns se concrétisent », pointe-t-il. Mais le jeu en vaut la chandelle : des commandes régulières à la clé. Florian exclut, pour le moment, les grandes surfaces sans leur « fermer la porte ». « Je ne suis pas sûr que mes produits aient leur place, on ne les consomme pas au quotidien, ni que ce soit la clientèle visée, plutôt aisée. En plus, mes volumes sont trop restreints. » Il en a conscience : le prix peut être un frein. « Il y a de la place pour différents marchés », argue-t-il cependant. Le site internet PF Huilerie a également été créé pour la vente en ligne et la communication, de même qu'une page Facebook et un compte Instagram. Des articles sont parus dans la presse locale et plusieurs interviews ont été diffusées sur France Bleu.
Le bouche-à-oreille compte énormément.
Des portes ouvertes sont en outre envisagées, comme l'installation d'une signalétique. « Il importe de communiquer, l'entreprise est encore méconnue », appuie Florian. Il sait aussi que « le bouche-à-oreille compte énormément ». Au fil du temps, l'activité prend de l'ampleur. « Ça plaît, les gens reviennent, ils apprécient la qualité, le goût, le fait qu'on fait attention à l'environnement, qu'on se fournit en local. Certains offrent ce produit du terroir comme cadeau à la place d'une bouteille de vin ou d'un bouquet de fleurs », se réjouit l'entrepreneur qui réussit à les fidéliser. Lorsque nous l'avions rencontré presque un an après le lancement, le bilan était encourageant : 2 000 bouteilles commercialisées en huit mois et il tablait sur 4 500 sur un an – 4 000 en vente directe et 500 via des revendeurs – soit une rentrée d'argent de 27 000 euros, au prix moyen de 6 € la bouteille.
« Nous sommes à l'équilibre », avait-il confié. À prendre en compte cependant : les fluctuations annuelles, l'été et la fin d'année sont deux grosses périodes, janvier et février plutôt creux. Il était en train de construire un bâtiment dédié à cet atelier, divisé en trois parties – magasin et accueil du public, laboratoire pour la filtration et la macération (voir encadré), stockage – avec le maximum d'auto-construction. La presse, elle, reste au même endroit. Pour des questions d'économie, le filtre et les cuves sont conservés, mais celles en plastique seront remplacées progressivement par de l'inox. « Ce sera moins artisanal. L'objectif est d'améliorer la qualité des produits, stockés à l'abri de la lumière avec une température stable, ainsi que la conformité avec la législation (carrelage, évacuation des eaux...). »
Un cadeau comme du vin ou un bouquet de fleur.
Et deux ans plus tard ?
Deux ans se sont écoulés depuis. Qu'en est-il ? Le bâtiment, terminé, répond aux attentes qualitatives énoncées juste avant. Tout est recentré sur la ferme : fini l'étiquettage et une partie du stockage à la maison. Quel confort de travail ! La gestion des stocks est plus simple. Autre satisfaction : les points de vente ont doublé, tout en restant dans un rayon de 30-40 km autour de l'exploitation. Parmi ceux-ci : plusieurs restaurants gastronomiques et un étoilé. Quant à la restauration scolaire, « c'est en cours ».
Le jeune entrepreneur fidélise de plus en plus de clients. L'évolution, en nombre, est toutefois plus difficile à chiffrer. Il faudrait intensifier la communication, il en a conscience, mais il manque de temps. Les volumes, eux aussi, ont bien progressé : x 1,5. « De quatre à cinq cycles de production annuels, nous sommes passés à six-huit. » Le chiffre d'affaires, quant à lui, atteint 30 000 € (+ 50 %). Florian a choisi de restreindre légèrement la gamme à six-huit types d'huile sur l'année en intégrant les saisonnières. « Dix étaient difficiles à gérer, j'ai souhaité me concentrer sur la qualité », raconte-t-il.
Il n'arrive pas encore à dégager un revenu : actuellement, tout est réinvesti dans l'activité et il a dû conserver un mi-temps à l'extérieur. Car les charges se sont envolées (+ 100 %). L'augmentation des volumes est indispensable pour les diminuer. « Davantage de trésorerie permettrait d'acheter les intrants en plus grosses quantités, les bouteilles entre autres », argue-t-il. Surtout que la demande est là, PF Huilerie ne parvient pas à satisfaire toutes les commandes. Le matériel est le principal frein. Dans un avenir proche, Florian envisage l'acquisition d'équipements plus performants pour gagner en productivité.
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